| Anna Tchavtchavadzé

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La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a rendu un arrêt significatif le 2 mai 2024, ordonnant la restitution de la statue en bronze grandeur nature, connue sous le nom de « Athlète de Fano », au gouvernement italien. Cette décision marque la conclusion d'un long litige entre l'Italie et le Getty Museum de Malibu en Californie, sur la propriété et la restitution de cette œuvre antique.

Contexte Historique et Juridique

En 1964, des pêcheurs italiens ont découvert une statue en bronze, le « Jeune Victorieux », dans les eaux au large de Pedaso, sur la côte adriatique. La statue a été ramenée au port de Fano, donnant ainsi son nom courant à l'œuvre. Au début des années 70, cette pièce d'une valeur inestimable a été exportée illégalement vers plusieurs pays, avant d'être acquise par la Fondation Getty pour une somme de 4 millions de dollars.

Procédures Judiciaires en Italie

Les autorités italiennes ont engagé de longues procédures pour récupérer la statue. Finalement, la Juridiction suprême italienne a jugé que la statue était la propriété de l’Italie. Cette décision reposait sur la conviction que l'exportation de la statue avait été effectuée en violation des lois italiennes sur la protection du patrimoine culturel. 

Recours devant la CEDH

Face à cette décision, le Getty Museum a saisi la CEDH, invoquant une violation de son droit de propriété, tel que prévu par l'Article 1 du Protocole n°1 de la Convention européenne des droits de l'homme. Le Musée arguait que la saisie de la statue portait atteinte à son droit de jouissance paisible de ses biens.

Décision de la CEDH

La CEDH a cependant reconnu que le droit de propriété pouvait être limité dans des circonstances spécifiques, notamment pour la protection du patrimoine artistique et culturel d'un pays. La Cour a estimé que l'Italie avait agi dans un but légitime en cherchant à garantir la restitution d'un objet faisant partie de son patrimoine culturel, et qu’il s’agissait de récupérer un bien culturel illégalement exporté.

Référence aux Conventions Internationales

Dans son arrêt, la CEDH a également rappelé les règles applicables en droit international, en se référant aux Conventions de l'UNESCO de 1970 et d’Unidroit de 1995. Ces conventions établissent des normes pour prévenir et lutter contre le trafic illicite de biens culturels et encouragent la restitution des objets culturels aux pays d'origine. 

Conclusion

La décision de la CEDH constitue une victoire majeure pour l’Italie et souligne l’importance de la protection du patrimoine culturel dans le droit international. En ordonnant la restitution de l’« Athlète de Fano », la Cour a réaffirmé que la préservation et la restitution des biens culturels sont des objectifs légitimes qui peuvent justifier des limitations au droit de propriété. Cette décision pourrait également influencer les futures affaires de restitution d’œuvres d’art et de biens culturels à travers le monde, en renforçant les principes établis par les conventions internationales.

CEDH 2 mai 2024, The J. Paul Getty Trust et autres c/ Italie, n° 35271/19